Laurence Tardieu L’écriture et la vie

« Depuis vingt et un mois, les mots que j’écris sont comme des coquilles vides. Ils sonnent faux. Ils sont vains.

Depuis vingt et un mois, j’ai perdu le chemin.

Je voudrais, par l’écriture de ce journal, retrouver un chemin. Un chemin où les mots auraient du sens. Ce journal sera mon journal de quête. C’est ce que j’ai proposé à mes éditrices, un pari : que ce livre soit une plongée dans ma nuit pour, peut-être, dans l’écriture, par l’écriture, retrouver une lumière. Pouvoir écrire à nouveau. C’est le seul livre possible aujourd’hui. Le seul livre possible parce que précisément impossible. C’est sans doute un projet périlleux, effrayant, mais je n’ai pas d’autre désir. Seulement celui-ci, immense. »

Ainsi Laurence Tardieu a-t-elle marché vers cette lumière des mots perdue après l’écriture de son dernier roman:  La Confusion des peines.

Peu avant sa disparition, Jean Marc Roberts qui fut son éditeur, a tenu à accompagner ce journal d’une courte préface :

« Les écrivains que j’aime ne se ressemblent pas. Les écrivains qui m’ont fait confiance, j’ai voulu avant tout leur montrer que la confiance était de mon côté. Un éditeur doit s’adapter à un auteur, jamais le contraire. Dès que l’on sent que l’on ne peut pas, ou, pire, que l’on ne peut plus, il faut avoir le respect et la lucidité de l’avouer à l’auteur. Si l’auteur perd confiance en moi, je perds immédiatement confiance en lui.

Ainsi Laurence Tardieu ne ressemble-t-elle à personne, ainsi nous sommes-nous adaptés l’un à l’autre.Pendant la curieuse année 2012 qui m’aura éloigné des terrains, j’ai curieusement vécu ce que j’appelais autrefois la condition de l’auteur : la non-vie. Se battre contre une maladie – puisque Laurence Tardieu le révèle dans ce texte – c’est finalement se battre contre un texte. C’est le même combat, la même absurdité et la même nécessité de s’en sortir. Que l’on sorte de pages ou de séances laborieuses, il conviendrait d’y parvenir avec grâce et légèreté, sans avoir l’air de rien. Voilà ce qui me frappe tant dans le travail singulier auquel s’est attelée Laurence Tardieu, tels certains auteurs qu’elle évoque dans ce journal : une ouverture, une liberté. Est-ce que la fille Laurence est-elle devenue une femme comme elle le souligne à la fin de La Confusion des peines ? Est-ce que Tardieu Laurence est-elle devenue un écrivain ? « 

Jean-Marc Roberts